Le peuple Wahgoshig hier, aujourd’hui et demain
Chronologie
de -10 000 à 1600

La présence des Abitibis au XVIIe siècle : en brun, le territoire d’occupation, situé autour du lac Abitibi, et en jaune, le territoire d’exploitation (ou de chasse), s’étendant jusqu’à la baie James.
Carte : Wikimedia Commons
Les Abitibis (ancien nom des Wahgoshigs et des Abitibiwinniks) sont un peuple autochtone d’origine algonquine, ojibwée et crie dont le nom signifie « les gens de la région du partage des eaux ». Ils sont les gardiens d’un territoire de plus de 58 000 kilomètres carrés, allant du lac Abitibi à la baie James et de la rivière Abitibi à la rivière Harricana. Leur survie dépend de la chasse, de la pêche et de l’agriculture. Les familles s’organisent en bandes d’été et en bandes d’hiver, plus petites, qui se déplacent pour chasser. Les données archéologiques les plus récentes ont démontré que l’occupation du territoire par les Abitibis remonte au moins à 8000 ans. Leur culture et leur spiritualité retracent l’histoire de leur territoire depuis la création du monde.
de 1600 à 1906

Le premier poste de traite établi sur la Pointe Apitipik date de 1686. Il deviendra le poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson et restera actif jusque dans les années 1920. Le site de la Pointe Apitipik a été déclaré lieu historique national du Canada en 1996.
Photo : Musée McCord
Pendant plusieurs siècles, les Abitibis coexistent avec les Européens qui font du commerce sur leur territoire. Ils conservent leur mode de vie traditionnel et se rendent au poste de traite uniquement pour échanger des marchandises. Puis, au cours du 19e siècle, la présence des Européens devient de plus en plus forte. Les compagnies forestières et minières commencent à empiéter de plus en plus sur le territoire des Abitibis.
Poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson
de 1906 à 1955

Cette photographie, non datée, a été prise par un missionnaire oblat, le père Gaston Carrière, dans une des communautés autochtones du nord du Québec, entre les années 40 et les années 60.
Photo : BAnQ ROUYN-NORANDA
L’immense territoire des Abitibis semble ignorer les frontières administratives entre la Terre de Rupert et le Dominion du Canada, puis entre l’Ontario et le Québec. En 1906, le traité no 9, ou Traité de la Baie James, établit une différence entre les Abitibis chassant en Ontario et les Abitibis chassant au Québec. Seuls les Abitibis chassant en Ontario sont inclus dans le traité no 9 et ont droit à une réserve. L’emplacement de la réserve leur est imposé : ils devront se contenter d’une terre sablonneuse et rocailleuse, impropre à l’agriculture. C’est la réserve Abitibi 70, actuellement occupée par les Wahgoshigs en Ontario. En 1908, les Abitibis du Québec et les Abitibis de l’Ontario font une entente pour partager la réserve Abitibi 70, sans que le territoire en soit augmenté. Pendant de nombreuses années, les membres des deux bandes continuent à vivre de façon traditionnelle sur leur territoire traditionnel, en Ontario et au Québec. Personne ne s’installe dans la réserve 70 – à l’exception d’un aîné isolé, qui décide d’en occuper le territoire.
de 1950 à 1980

Trois générations de femmes Abitibi, photographiées en juillet 1906, l’année de la signature du Traité no. 9 aux postes de traites de la Baie d’Hudson et de Matatchewan.
Photo : Bibliothèque et Archives Canada
Dans les années 1950, le gouvernement canadien impose la scolarisation des enfants. On n’hésite pas à envoyer la GRC pour retirer de force les enfants à leurs familles. Certains enfants de la communauté wahgoshig sont envoyés au pensionnat autochtone de Saint-Marc-de-Figuery, à Amos, au Québec. D’autres sont envoyés à l’école Sainte-Anne de Fort Albany ou à l’école Bishop Horden de Moose Factory. Les enfants passent 10 mois par an dans ces écoles, où la langue algonquine et la religion traditionnelle sont interdites. La Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié en 2015 un rapport sur les nombreuses violences et les abus dont les enfants autochtones ont été victimes dans ces pensionnats.
Pensionnat Saint-Marc-de-Figuery
De 1984 à aujourd’hui

Les photographies des missionnaires oblats mettent en scène des enfants autochtones épanouis et joyeux : ici, ils entourent de leurs sourires le père Guimard, alors âgé de plus de 90 ans.
Photo : BAnQ ROUYN-NORANDA
Après l’épisode traumatisant des pensionnats et les vagues d’adoption des années 60, la communauté cherche à se reconstruire. L’objectif est de rétablir les liens familiaux, le respect de soi et de la culture autochtone. Un groupe d’aînés demande alors à tous les Wahgoshigs de venir s’installer dans la réserve 70. Un petit groupe occupe le territoire pendant un an. Puis la communauté obtient la construction de maisons. Les membres de la nation abitibi situés en Ontario prennent alors le nom de Wahgoshig, qui signifie « petit renard ». Aujourd’hui, à peine plus de la moitié des 300 membres de la communauté wahgoshig vivent dans la réserve, car il n’y a pas assez de maisons disponibles. La communauté fait partie de la nation algonquine anichinabée. Les langues parlées dans la communauté sont l’algonquin, l’anglais et le français.
Situation au présent politique et économique
Le fonctionnement politique

En 2016, Bear Joel Babin, au centre, a été élu chef de la Nation Wahgoshig pour 2 ans. Afin de redonner sa place à la culture traditionnelle, il a rétabli de nombreuses cérémonies, comme celle-ci, qui marque l’entrée en fonction du nouveau conseil de bande.
Photo : François Vincelette
L’organisation politique des Wahgoshigs est démocratique : ils élisent un chef tous les quatre ans, ainsi qu’un conseil de bande qui joue un rôle proche de celui d’un conseil municipal. Politiquement et économiquement, les Abitibis de l’Ontario et du Québec sont encore très liés. La réserve Abitibi 70 a été mise en commun entre les deux groupes en 1908. Elle est toujours en indivision entre les Wahgoshigs de l’Ontario (300 membres environ) et les Abitibiwinniks de Pikogan (1000 membres environ), proportionnellement à leur population.
Le territoire

Le cornet d’appel en bois de bouleau est un élément indispensable de la chasse à l’orignal : il permet d’imiter le cri de la femelle et d’en amplifier le son. Les chasseurs rivalisent de réalisme – ici George Sackaney fait résonner son « appel ».
Photo : François Vincelette
Le territoire traditionnel wahgoshig est bien plus grand que la réserve. C’est un territoire dont l’usage est partagé avec les non-Autochtones. Les Wahgoshigs doivent être consultés en cas d’exploitation des ressources naturelles, à cause de l’impact possible sur l’environnement. Ils doivent aussi être consultés avant toute intervention sur un site à haute valeur culturelle, comme un lieu de sépulture. La consultation est obligatoire, même si les permis officiels sont délivrés par la Couronne, et non par les Wahgoshigs. En ce qui concerne la chasse et la pêche, tous les membres de la communauté, même ceux qui vivent hors réserve, ont des droits de chasse et de pêche sur le territoire traditionnel wahgoshig. Ces droits sont constitutionnels, car ils sont inscrits dans le traité no. 9.
Les ressources

Le lac Abitibi, vu depuis la réserve des Wahgoshigs. Cet immense lac de 931 kilomètres carrés, aujourd’hui partagé entre l’Ontario et le Québec, constitue le cœur du territoire des Abitibis depuis des millénaires.
Photo : François Vincelette
Jim Montague (au centre, avec un casque bleu), fait visiter le moulin de la mine d’or Primero Corp. aux invités francophones des Wahgoshigs. Il est le gérant du moulin de la mine, qui traite 2500 tonnes de minerai par jour pour en extraire de l’or pur.
Photo : François Vincelette
Dans les années 2000, les Wahgoshigs se sont battus pour être associés au développement économique de leur territoire traditionnel et ils ont signé des ententes avec les compagnies minières. Situé dans la région de la faille de Cadillac, le territoire wahgoshig est particulièrement riche en métaux précieux comme l’or ou le cuivre. Aujourd’hui, la société Wahgoshig Resources Inc. fournit aux compagnies minières de la main-d’oeuvre et des services de location de machinerie lourde et de transport. Elle permet aussi la création de partenariats pour offrir divers services aux compagnies extractives. Cette participation à l’économie locale permet aux Wahgoshigs d’assurer la stabilité sociale et économique de la communauté, avec un taux d’emploi à 95 % alors que le taux de chômage était de 85 % au début des années 2000.
Quels sont leurs projets pour l’avenir?
Développer l’autonomie

Sur le site de la mine Black Fox, des engins de chantier déversent le minerai provenant des tunnels. Le trou de la mine à ciel ouvert fait 200 m de profondeur et les tunnels descendent jusqu’à 800 m sous la surface.
Photo : François Vincelette
La communauté cherche à se développer dans le respect des
valeurs traditionnelles et de l’environnement. Elle investit dans l’énergie solaire et l’énergie éolienne. Elle a également repris le motel-restaurant Little Fox, sur le lac Perry. L’objectif de la communauté pour les 10 prochaines années est de sortir de la dépendance gouvernementale et de mettre en oeuvre un plan pour créer des occasions d’affaires dans divers domaines, dont l’exploitation des ressources.
Parier sur la jeunesse

Les Wahgoshigs sont réunis autour d’un groupe de tambourinaires pour la cérémonie d’inauguration du nouveau conseil de bande. Les tambours sacrés permettent de communiquer avec la Terre Mère.
Photo : François Vincelette
L’épanouissement des jeunes de la réserve est la plus grande priorité pour le chef Bear Joel Babin. Il a rétabli de nombreuses cérémonies, afin de multiplier les occasions de faire l’expérience de la culture traditionnelle. Il veut également ouvrir un centre de prévention en santé mentale pour les adolescents. Bientôt, une école maternelle d’immersion en langue algonquine permettra de faire revivre la langue traditionnelle. Dans tout ce qu’ils entreprennent, les Wahgoshigs ont un seul objectif : préparer l’avenir et assurer le bien-être de leurs enfants.
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